Octobre 2024
L’exercice physique pratiqué de façon régulière, via ses effets sur l’appétit et l’équilibrage de la balance énergétique, est-il vraiment utile pour la gestion du poids, c’est-à-dire pour le maintien d’un poids stable, ou la perte de poids en cas d’IMC trop élevé ? Telle est la question à laquelle deux experts de renom sur le sujet, John Blundell et Kristine Beaulieu de l’Université de Leeds au Royaume-Uni, ont décidé de se confronter, alors que le débat entre partisans et détracteurs de l’activité physique (AP) donne lieu à des affirmations parfois caricaturales sur le sujet. Ils publient le fruit de leur réflexion dans la revue Appetite.
Que dit la science ?
À en croire certains médias, voire certains scientifiques, l’activité physique serait au mieux inefficace pour perdre du poids, au pire, pourrait contribuer à la prise de poids. Or, les revues systématiques et positions de sociétés savantes sur le sujet se révèlent plutôt unanimes et en désaccord avec ce point de vue. Dès 2009, le très respecté American College of Sport Medecine concluait déjà à une relation dose-effet entre la quantité d’exercice réalisée et la perte de poids ou la prévention de la reprise de poids après régime. Plus récemment, des revues systématiques et méta-analyses entreprises sous la houlette de la EASO (European Association for the Study of Obesity) en vue de l’élaboration de recommandations à destination des patients en situation d’obésité concluaient ainsi :
- les exercices d’endurance aérobie à intensité modérée entraînent une perte de masse corporelle, de graisse totale, de graisse viscérale et de graisse intra-hépatique […] ;
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les exercices de résistance (renforcement musculaire) d’intensité modérée à intense permettent de préserver la masse maigre pendant la perte de poids ;
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sans oublier les autres bénéfices de l’activité physique sur la condition métabolique et cardiorespiratoire.
Des effets qui restent modestes
Mais d’où vient alors la remise en question par certains des effets bénéfiques de l’exercice ? Peut-être de l’effet relativement modéré de l’AP, quantifié dans certaines revues entreprises dans le cadre des travaux de l’EASO : la perte de poids est estimée entre - 1,5 et - 3 kg sur des périodes allant de 2 semaines à 12 mois. Or, cela rejoint le constat d’autres études selon lequel les effets de l’exercice sont moindres par rapport à ceux que l’on pourrait en attendre au regard de la dépense énergétique induite. Ce qui suggère que les effets de l’exercice sur la dépense énergétique pourraient être contrecarrés en partie par ses effets sur l’autre composant de la balance : les apports énergétiques.
Une amélioration de la sensibilité de la balance énergétique
Les chercheurs poursuivent ainsi leur analyse en faisant le point sur les données relatives aux effets de l’exercice sur la prise énergétique. Lorsque l’on considère les études de bonne qualité uniquement, il semblerait que l’exercice physique entraîne bien, en moyenne, une augmentation des calories ingérées. Le bilan calorique (calories consommées moins calories dépensées sous l’effet de l’exercice) resterait toutefois déficitaire. Surtout, les chercheurs soulignent la grande variabilité des réponses observées selon les individus et en premier lieu, selon leur niveau global d’activité physique. Des expériences historiques en la matière rapportent ainsi que la dépense et la prise énergétiques sont étroitement liées chez des travailleurs de force (niveau d’activité physique quotidien élevé), tandis que la prise énergétique excède la dépense chez des travailleurs sédentaires (niveau d’activité physique quotidien faible). De même, des sujets présentant des niveaux plus élevés d’activité physique régulent mieux leurs apports caloriques à la suite de l’ingestion préalable de boissons plus ou moins riches en énergie (compensation plus ajustée). Cela suggère qu’un niveau de dépense énergétique suffisant est nécessaire pour une bonne régulation de l’appétit, de la prise alimentaire et de la balance énergétique.
Derrière les moyennes, des individus hautement variables
La variabilité des effets de l’exercice selon les individus se retrouve sans surprise au niveau du poids : ainsi, si en moyenne, l’exercice produit bien des effets positifs sur la gestion du poids, ces chiffres restent des moyennes qui recouvrent des situations individuelles bien différentes, avec des effets plus ou moins marqués. Bien que les réponses individuelles à l’exercice restent difficiles à prédire, elles tiennent vraisemblablement aux effets différentiels de l’exercice sur les différentes composantes du système de régulation de la prise alimentaire, variables d’un individu à l’autre : effets de l’exercice sur les niveaux de faim et de satiété, sur la réponse à la densité énergétique des aliments, sur les réponses hédoniques, etc.
Les risques des discours simplistes et disqualifiants
En fin de compte, les chercheurs appellent à la nuance quand il s’agit d’examiner les effets de l’exercice physique sur la gestion du poids. Certes, les dépenses énergétiques sont (en partie seulement) contrebalancées par une augmentation des calories ingérées ; et certains individus pourraient moins bien répondre aux effets de l’exercice. En aucun cas cependant, cela ne permet de discréditer les effets bénéfiques de l’activité physique, qui vont bien au-delà de la seule gestion du poids. Et de le rappeler : le plus grand risque pour notre santé reste l’inactivité physique !
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